La fausse couche
Pour ce type de perte périnatale, il n’y a aucune reconnaissance sociale du deuil. Beaucoup de gens, y compris les médecins, sous-estiment la fausse couche, ils ignorent souvent la profondeur de l’attachement qu’il y avait déjà entre la mère et le fœtus. Cela fait augmenter les risques de deuil compliqué.
La perte est ressentie par la mère comme une blessure narcissique et une atteinte au sens féminin de puissance et d’estime de soi. C’est pourquoi les sentiments d’échec, de honte et de culpabilité sont plus grands que dans les autres types de pertes périnatales. La dépression, les sentiments de colère et d’impuissance sont d’autres réactions psychologiques possibles à la fausse couche.
La mort in utero
Lorsque le décès est survenu in utero, la mère se situe dans un contexte particulièrement morbide, puisque celle-ci se transforme fantasmatiquement en cercueil.
La détresse maternelle est directement proportionnelle non seulement au désir d’enfant, mais encore à l’idée personnelle qu’elle se fait de la mort. Elle se trouve confrontée à une violente ambivalence entre la vie et la mort, non seulement celle de son fœtus, mais également la sienne. Rapidement, le fœtus est évacué de l’utérus de la mère. Ce qui fait que, ajouté à l’absence de funérailles, de tombe, et au silence du personnel et de l’entourage, la mère éprouve un sentiment d’irréalité.
La naissance d’un enfant mort-né devient ainsi un non-évènement, qui est source de confusion totale dans l’esprit de la mère.
La mort néonatale
La mort néonatale est moins déroutante que l’accouchement d’un enfant mort-né. Il y a moins de risques de confusion dans l’esprit des parents, les sentiments d’échec peuvent être moins intenses car la mère a pu donner naissance à un enfant vivant, les parents ont préalablement vu et touché un bébé vivant. En fait, l’inscription au registre des naissances, les certificats de naissance et de mort, ainsi que les funérailles, font ressembler cette mort aux autres décès.
Le travail de deuil qui s’en suit est à rapprocher de celui qui se fait pour un autre décès. Les parents passent alors par les cinq étapes du deuil en général, à savoir, une phase de déni de la mort et d’isolation. Ensuite vient la phase de colère, d’irritabilité, dirigée vers la famille, le conjoint, le corps médical. Un appel aux forces surnaturelles, telles que Dieu ou le destin peut ensuite survenir chez les parents, en particulier la mère.
Les symptômes dépressifs viennent ensuite s’installer : soit la dépression est intériorisée et souvent accompagnée de culpabilité et d’auto-reproches, soit elle est verbalisée. Dans les deux cas, tristesse, larmes, inertie et apathie se retrouvent. Vient enfin la phase d’acceptation de la réalité de la mort, étape où la personne s’accommode de la réalité.
L’interruption médicale de grossesse Deuil
Parfois, face à des malformations fœtales, les parents doivent faire le douloureux choix entre l’interruption de la grossesse ou sa continuation.
Les parents se font alors toutes sortes d’idées sur les origines et les causes des malformations fœtales, sur l’hérédité, sur l’anormalité, ce qui provoque chez eux confusion et inquiétudes, ainsi que des réactions de culpabilité et de honte excessives, voire même des réactions de répugnance et de déni.
Contrairement aux avortements à indications psychosociales, les interruptions médicales de grossesse (IMG) mettent un terme à des grossesses qui sont désirées et qui ont été précédées d’une période d’angoisse intense à l’occasion des examens périnatales. Il existe dès lors de nombreux risques de deuil compliqué, ou de lourdes séquelles psychologiques.
Pour ce type de perte périnatale, la résolution du deuil est compliquée par une perte de l’estime de soi biologique. En effet, la procréation d’un enfant mal formé est toujours perçue comme un échec de reproduction. La honte et le sentiment d’échec qui en découlent entraînent souvent des sentiments d’infériorité, ce qui n’est pas pour faciliter la résolution du deuil. On retrouve également une perte de l’estime de soi morale, car il y a eu confrontation avec le sens moral des parents lors de la décision sur la préservation ou la suppression de la vie. La décision d’interrompre la grossesse a fréquemment interféré dans les croyances que la personne avait jusqu’alors sur le bien et le mal. Les sentiments de honte et de responsabilité se retrouvent d’ailleurs chez beaucoup de mères. Une perte de l’estime de soi sociale est également observée chez ces parents. En effet, de nombreux couples se retrouvent socialement isolés. Cet isolement est accentué par le fait que le deuil est compliqué de problèmes d’hérédité, d’anormalité et d’avortement, ce qui a tendance à faire fuir l’entourage. Or, on sait que le travail de deuil peut échouer si l’événement et ses séquelles ne sont pas partagés avec l’entourage !
Les grossesses non-désirées
Toute grossesse est le fruit d’un acte particulier. Lors de cet acte, la dimension du désir d’enfant ne peut être évacuée. En effet, chez les adultes, la fertilité est une capacité fondamentale du corps sexuel. La liberté sexuelle acquise depuis l’avènement de la contraception moderne (pilule, stérilet perfectionné, implant sous-cutané,…) a rompu le lien historique entre sexualité et fécondité. Toutefois, il reste opérant sur le plan inconscient. Ainsi, les oublis de pilule et les accidents de protection laissent entendre le désir non-formulé de parentalité. C’est encore affirmé par le fait qu’aujourd’hui, tout accident temporaire peut être résolu avant d’en arriver à l’IVG : la pilule du lendemain. Si cette possibilité de “rattrapage” n’est pas saisie, il faut y voir le signe d’une ambivalence du désir d’être parents.
Le traumatisme de l’avortement
L’avortement est un évènement traumatique. Il questionne fortement l’ambivalence du désir de grossesse et atteint plusieurs fondamentaux de la femme : le corps, la sexualité, la maternité. Autour de l’avortement circulent de nombreux fantasmes qui “chirurgicalisent” une situation particulièrement naturelle (la grossesse). L’IVG est vécu comme une intervention sur le corps et notamment sur la partie sexualisée du corps ayant pour projet de s’opposer à la vie. Il rapproche les pulsions de vie (désir de grossesse) et les pulsions de mort (destructivité) : cela crée un conflit intérieur. Les femmes qui y ont eu recours connaissent ce conflit. Il se matérialise par l’angoisse qui précède l’intervention et par la culpabilité qui l’accompagne.
L’urgence qui déstabilise
L’avortement ne peut se dérouler que dans un délai limité. Tous les couples et surtout les femmes sont ainsi placés dans une situation d’urgence pour prendre leur décision: interrompre la grossesse. Ils sont obligés de faire fi de leurs doutes de manière rapide. Pourtant les affects n’ont pas la même temporalité que la raison. Ainsi, la décision fait violence aux sentiments des parents. Ils ne peuvent pas acquérir dans le temps imparti la certitude de faire le choix le meilleur. Or, il s’agit là d’un choix aux conséquences considérables. La discordance entre urgence et importance du choix renforce encore la dimension traumatique de l’IVG.
Culpabilité et honte
L’existence des termes avortement et IVG dessinent deux destins psychiques différents à la situation. L’avortement comprend la notion d’un acte réalisé par l’extérieur et implique une certaine passivité : “je me suis fait avorter”. L’interruption volontaire de grossesse implique la notion de choix volontaire, la femme est “responsabilisée”. Ainsi l’avortement est du côté de la honte tandis que l’IVG est du côté de la culpabilité.
La culpabilité prend sa source dans la mise au jour de l’ambivalence du désir de grossesse. En effet, face à ce désir d’enfant, l’avortement prend la valeur d’un “meurtre” de l’enfant à naître. C’est à ce titre que les parents se sentent coupables. Cette culpabilité connaît plusieurs avenirs. Pour les femmes, elle prend souvent la forme d’une inquiétude quant à leur future fécondité. Pourtant l’avortement ne comporte que peu de conséquences physiques sur les futures grossesses.
La honte de son côté naît de l’imaginaire qui entoure l’avortement et de la réprobation sociale qui l’entoure encore aujourd’hui. Il véhicule des fantasmes qui portent sur l’acte réalisé. De plus, l’avortement ramène un autre acte sur le devant de la scène. En effet, il donne une certaine réalité au rapport sexuel qui a initié la grossesse. Or, s’il existe quelque chose qui est porteur de honte, c’est la révélation publique de la sexualité.
Un droit fondamental
Il est important que les femmes et les couples qui vont avoir recours ou qui ont eu recours à l’avortement soient accompagnés dans leur démarche. Cet aide doit leur permettre de vivre au mieux cet évènement. En effet, il est indispensable que les femmes puissent exercer ce droit fondamental sans qu’elles aient à subir une culpabilité ou une honte qui impactera durablement leur rapport à la sexualité et à leur corps.
Sources : Source :Carole Méhan, Psychologue. http://www.psychologie.fr/article/l-avortement-et-le-sentiment-de-honte-A-495.html